lundi 3 janvier 2011

LE QUAI D'AUSTERLITZ ET LE QUAI FRANCOIS MAURIAC VUS PAR URIEL


Du pont d’Austerlitz à la passerelle Simone de Beauvoir. Du matin gris à la nuit agitée. Telles furent les bornes de ma déambulation au fil de l’eau, au fil du temps de ces quatre jours. Le pas léger, la bouche en fleur et le teint mat j’ai soudain dégluti à la vue de cet homme assis, endormi dans son royaume poubelle. Ce n’est qu’après un long tunnel-parking sans voitures ni squatters que j'ai vu la lumière, pas celle qui fait briller les pupilles, non… celle qui les éblouit d’un ciel blanc ténébreux qui vous donne envie de fuir. Heureusement il y a l’eau pour adoucir l’esprit et guider l’appareil vers d’autres visions… mais l’odeur nuageuse de ce décor flottant entre les poteaux électriques et projecteurs à perte de vue, les esplanades désertiques où errent de pauvres âmes immobiles, trois quatre guinguettes éphémères dans l’attente vertigineuse de joies et buveurs, une piscine gardée par des interdits à l’image, une peintre associale  peignant un bateau qui ne lui appartenait pas mais refusant d'être prise par un photographe amateur qu’elle ne connaissait pas et des bureaux immenses en guirlande… enfin toutes ces formes hostiles ne me mettaient pas la Seine à la bouche. Mais comme on dit l’appétit vient en mangeant, alors bon ap’ et resservez vous. J’ai battu le ciel à son propre jeu, le confrontant à cet immeuble aussi sombre que lui, j’ai apprivoisé la courbe et les habitants du pont suspendu, j’ai capturé l’homme tant attendu qui ne voulait pas de lui sur mon cliché, j’ai espionné la peintre pour en faire un tableau à ma façon, j’ai transformé ces satanés projecteurs  en fleurs métalliques et me suis accouplé à la dalle pour photographier ces amoureux enlacés, ce black&blue pensif ou encore cette coccinelle humaine pleurant ses points noirs partis vers des berges plus chaleureuses.

Je me voulais repu de ce ragoût de fortune quand les étoiles m’ont apporté lumière, bière et gourmandises.. combien le jour doit-il à la nuit lorsque le terrain vague se transforme en bal d’été ? les néons colorent le pavé, les ombres et les bouteilles vides fleurissent, les buveurs sont revenus, les plongeurs sortent leurs assiettes propres avec le sourire d’un pêcheur dont l’hameçon tourbillonne et les transats rencontrent leurs invités animés et leurs fesses sautillantes. Merci pour le dessert, je ne m’y attendais pas !
Pourtant, encore toute étourdie par l’étouffante journée, mon ivresse a gardé une certaine tristesse qui m’a demandé -comme par respect pour les esseulés- de leur rendre hommage en cette heure de grâce.. vous verrez donc ce couple perdu dans la hauteur d’un muret, cette poubelle vide qui jalouse sa voisine et ce black&yellow du Quai de la Gare qui dans le mouvement s’est enraciné.

Puis le fil de l’eau s’est coupé sous les arcades, mon regard a fini de s'épuiser dans l'au revoir aux demoiselles en route vers le carré lumineux d’une autre rive à découvrir, et j'ai senti dans mon ventre le plein de ce drôle de festin…   
Uriel Jaouen Zrehen

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